Gouvernance décentralisée et résilience des organisations

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Gouvernance décentralisée et résilience des organisations, outils et modes de fonctionnement
Cas de la crise Covid-19

Rejoignant un début d’échanges via le forum de Fédération Open Space Makers en décembre 2019 sur la résilience, il nous semble pertinent de proposer un premier retour d’expérience sur les modes de fonctionnement mis en œuvre au sein de l’association, en regard de la crise Covid-19 et de son potentiel fortement disruptif (la dangerosité intrinsèque du virus est toujours en cours d’évaluation, mais son impact sur l’économie et les organisations est déjà considéré comme majeur).

Comme d’autres évènements significatifs d’origine naturelle (inondations, séismes, etc.) ou anthropologique (accidents majeurs, conflits…) ont pu nous en faire prendre conscience, l’adaptation et la résilience sont devenus des concepts clé pour la perpétuation de la vie et des organisations économico-sociales.

A la modeste mesure de l’association Open Space Makers, dont la gouvernance est basée sur le modèle de l’holacratie[1] (management décentralisé), l’expérience actuelle permet de démontrer plusieurs points d’intérêt de ce système (le premier et plus important étant la continuation de l’activité en cas de crise), s’il est doté des bons outils (autorisant un travail à distance de qualité) et de l’accompagnement nécessaire aux membres qui le composent (une conduite du changement bien menée est facteur de succès).

Sans reprendre dans le détail le fonctionnement du modèle, la gestion par cercles permet de ne pas retarder ou bloquer d’éventuelles prises de décisions en cas d’absence ou d’incapacité d’un management pyramidal "top-down", tel que l’on peut le trouver dans des organisations plus classiques (bien qu’il existe souvent des listes de succession, celles-ci peuvent avoir comme défaut le niveau de connaissance d’un successeur trop lointain dans ladite liste). Si par exemple le référent d’un cercle n’est temporairement plus en mesure de continuer son activité, un autre membre du cercle peut se rendre rapidement opérationnel pour le remplacer (puisque toutes les informations lui sont constamment disponibles via le fonctionnement même du Cercle et qu’il n’y a pas de notion de niveau hiérarchique, et donc de problématique de légitimité puisque le choix du nouveau référent se fait de manière collégiale).

Mais pour rendre ce fonctionnement optimal et complètement résilient, la gouvernance seule n’est qu’une première étape, car elle doit s’accompagner de la mise en place d’outils permettant de travailler à distance (pour les cas où les déplacements seraient drastiquement limités, catastrophe naturelle, mouvements sociaux, crise sanitaire…). Et sur ce point, l’expérience Open Space Makers, avec l’intégration d’outils (open source dans ce cadre) sur une plateforme partagée, peut être riche d’enseignements. Parmi les outils mis en œuvre, on peut noter :

  • Discourse (Forum)
  • NextCloud (Travail collaboratif, partage documentaire)
  • Wiki (base de connaissance)
  • RocketChat (messagerie instantanée)
  • JitsiMeet (visioconférence)
  • Mailing lists (communication asynchrone et ciblée)
  • Open Project (gestion de tâches et lots de travaux)

Chaque outil propose des fonctionnalités complémentaires mais avec l’objectif commun d’une communication fiable et permanente entre les membres de l’organisation, du temps réel (visioconférence et Chat), jusqu’à la consolidation des connaissances échangées (wiki), en passant par le travail collaboratif sur les livrables (OpenProject, NextCloud). Il était important au moment de la mise en service de bien communiquer sur les avantages de chacun des outils (et éviter les usages détournés ou en doublon) et de travailler à leur intégration sur la plateforme (les API[2] étant au cœur technologique de ce sujet), l’expérience utilisateur devenant un point de complexité à traiter (et par ailleurs, aucun outil unique ne permet de couvrir la totalité des besoins en fonctionnalités).

L’intégration reste un sujet très actuel au sein de l’association, même si la première étape de facilitation de login via le SSO ("Single Sign On", ou point de connexion unique) a été essentielle dans l’appropriation des différents outils, tout comme les échanges à vocation pédagogiques se déroulant régulièrement sur le forum et consolidés ensuite via le Wiki lorsque pertinent.

La conduite du changement, d’une importance capitale pour le bon fonctionnement de l’ensemble gouvernance/outil, est toujours en cours car il reste difficile de maîtriser un grand nombre de logiciels sans un minimum d’accompagnement. Celui-ci passe par des échanges écrits via le forum ou le chat, la rédaction de manuels utilisateurs (et prochainement de MOOC dédiés) et par le partage d’expérience, parfois informel, entre membres.

Il reste du travail sur l’expérience utilisateur (UX) globale, pour simplifier encore autant que de possible l’ergonomie générale de la plateforme, améliorer encore l’intégration entre les différents outils et aider à l’appropriation de l’ensemble par le maximum de personnes (et continuer ainsi à développer la notion d’inclusion impulsée par Fédération), mais les premiers retours et expériences démontrent que le système fonctionne quelques soient les impératifs ou restrictions économico-sociales mises en œuvre en cas de crise, comme celle sanitaire, que nous vivons actuellement.

Toute organisation ne saurait être totalement adaptée à ces modes de gouvernance et de fonctionnement (l’être humain étant un animal social, il ne peut se résoudre à un traitement exclusivement à distance et/ou isolé sur le long terme) et que la nécessaire mise à disposition de matériel (terminaux numériques, points de connexion à Internet), et donc d’énergie pour faire fonctionner l’ensemble, restent des éléments déterminants (et pas toujours disponibles en fonction de la gravité des crises) pour améliorer encore la résilience et les facultés de continuité d’activité (sans négliger bien sûr la prévention de ces mêmes crises !). Néanmoins, s’appuyer sur l’expérience d’Open Space Makers permettrait à tout ou partie d’une organisation donnée d’accélérer sa transformation et d’être ainsi mieux armée pour faire face aux cygnes noirs qui ne manqueront pas de survenir à nouveau.

 

[1] L'holacratie est un système de gouvernance d'entreprise, fondé sur la mise en œuvre formalisée de modes de prise de décision et de répartition des responsabilités communes à tous. Opérationnellement, elle permet de disséminer les mécanismes de prise de décision au travers d'une organisation fractale d'équipes auto-organisées. Elle se distingue donc nettement des modèles pyramidaux top-down (source : Wikipédia)

[2] API : En informatique, une interface de programmation d’application ou interface de programmation applicative (souvent désignée par le terme API pour Application Programming Interface) est un ensemble normalisé de classes, de méthodes, de fonctions et de constantes qui sert de façade par laquelle un logiciel offre des services à d'autres logiciels. Elle est offerte par une bibliothèque logicielle ou un service web, le plus souvent accompagnée d'une description qui spécifie comment des programmes consommateurs peuvent se servir des fonctionnalités du programme fournisseur (source : Wikipédia)

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